FILIATION - L’annulation d’un lien de filiation maternelle (Article 310-2 du code civil) a été jugée contraire à l’intérêt de l’enfant incestueux
Une enfant née d’une relation incestueuse entre frère et une sœur utérin le 5 mai 2009.
L’article 310-2 du code civil énonce :
« S’il existe entre les père et mère de l’enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l’égard de l’un, il est interdit d’établir la filiation à l’égard de l’autre par quelque moyen que ce soit ».
Pourtant, dans ce cas d’espèce, au mépris de l’article 310-2 du code civil, l’acte de naissance de l’enfant désigne le père et la mère en ces qualités.
Le Procureur de la République a alors engagé une action en annulation de filiation à l’encontre de la mère.
En première instance, le Tribunal a fait droit à cette demande et a ordonné l’établissement d’un nouvel acte de naissance ne mentionnant que la filiation du père.
La mère a interjeté appel du jugement au motif que l’annulation de son lien de filiation serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
De son côté, le Ministère public, partie à l’instance, conclut lui aussi « à l’infirmation de la décision au regard de l’intérêt de l’enfant, lequel s’impose selon lui… de maintenir le lien de filiation maternelle dès lors que, depuis sa naissance, l’enfant vit avec sa mère qui assume seule l’ensemble de ses besoins tant affectifs que matériels » et ce alors même que le père « n’ayant pas été assigné afin de voir annuler son lien de filiation, la Cour ne peut se prononcer sur ce point dans la présente procédure ».
Par un arrêt en date du 8 juin 52017, la Cour d’appel de CAEN a réformé le jugement de première instance sur le fondement des articles 8 et 14 de la convention européenne des droits de l’homme et l’article 7 de la Convention de New-York en ces termes :
« Si la Loi française prohibe l’établissement d’un second lien de filiation dans les hypothèses où cet établissement conduirait à créer une filiation incestueuse, l’espèce soumise à l’examen de la Cour l’a conduit à s’interroger sur ce que dicte l’intérêt de l’enfant lorsque les deux filiations ont malgré tout étaient établies par ignorance ou dysfonctionnement, qui plus est concomitamment ou dans un temps très voisin puisqu’il a été relevé à juste titre par le Ministère public que la reconnaissance prénatale ne produisant ses effets que dans l’hypothèse où l’enfant naît vivant ou viable, il y a lieu de considérer en l’espèce que c’est de manière concurrente que les deux filiations ont été établies et que l’acte de naissance entérinant la naissance de l’enfant en même temps qu’il y faisait figurer le nom de la mère.
La prohibition de l’inceste, demeurant l’interdit absolu, et l’annulation du lien de filiation paternelle n’étant en l’état pas dévolue à la Cour, il convient en conséquence de déterminer si, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, le lien de filiation maternelle doit néanmoins être maintenu.
L’enfant est âgée de huit ans, elle vit avec sa mère depuis sa naissance, dont la maternité est certaine.
Son engagement dans la parentalité n’est pas contesté, notamment par le père, lequel ne démontre pas avoir entretenu ni entretenir actuellement avec sa fille des liens particulièrement étroits sans rapporter la preuve qu’il a été empêché de le faire par la mère.
Au regard de l’intérêt particulier de cet enfant et des conséquences dommageables qu’aurait pour elle dans la construction de son identité l’annulation d’un lien de filiation sur lequel s’est construite jusqu’à présent sa place dans l’histoire familiale, il y a lieu de réformer le jugement en toutes ses dispositions, étant observé que les liens de filiation produisant leurs effets simultanément, l’autorité parentale est, en conséquence, exercée en commun ».
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